Noir-racine, précédé de Le fil de l’oubli,
de Françoise Ascal – Monotypes de Marie Alloy – Éditions Al Manar, 2015 – 74 pages, 15€
On ne saura rien du sang répandu qui a noyé son âme, de la boue des tranchées pétrifiée dans son corps, ensevelissant l’aimé, puis le frère trop jeune, puis les rêves. F.A.
Sur « le bruit d’une faux », le livre s’ouvre. S’agit-il de couper l’herbe qui nourrira le bétail ou est-ce le grand Faucheur qui tranche les fils d’une lignée1 ? Cet ensemble affirme un paradoxe que la fin de la première page interroge, en juxtaposant l’aube et le crépuscule et le questionnement, manifeste (présent cinq fois en ces quelques lignes), réfute toute devise. Ici, rien n’est certain. L’observation puis l’écoute de ce que le mouvement de faucher a généré suscite une analyse dont la réponse reste en suspens. Le début est placé sous le signe d’une menace, d’un trouble généré par la perception double, visuelle et auditive, qui fait osciller les couleurs, vert (sombre puis pâle), jaune, avant que soit enfin capté le parfum. L’éveil, là, en ce tumulte du « bruit de la faux », identique au premier monotype de Marie Alloy qui le précède, rendu noir et blanc de mouvements contradictoires, verticalité balayée par un pinceau large qui la réduit alors que des taches sombres se concentrent sur la page. Fort à dire, pour ce qui concerne Françoise Ascal, de la vocation du peintre dans ses livres et du lien « organique », elle a plusieurs fois employé ce terme, entre la vision du peintre et la parole balbutiante qui s’efforce et cerne, qui constate et demeure.
Ce volume assemble deux recueils précédemment publiés pour un tout cohérent aux différentes facettes. Le fil de l’oubli fut publié par les éditions Calligrammes en 1998 et Noir-racine par Al Manar en 2009, sous forme de livre d’artiste avec Marie Alloy.
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Isabelle Lévesque
détail monotype de Marie Alloy