Mes techniques de l’estampe

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Aspects techniques

Ma contribution à l’estampe se répartit pour l’essentiel entre l’eau-forte (avec l’aquatinte au sucre) et les techniques comme le vernis mou, la pointe sèche, la gravure au carborundum, le gaufrage, la xylographie,les monotypes, plus rarement le burin et la lithographie.
Je suis totalement autonome car je réalise mes estampes sans en passer par un atelier spécialisé pour le tirage et l’édition. Je suis donc à la fois l’artiste et l’imprimeur, avec ma propre presse, encres et papiers pur chiffon (vélin d’Arches, vélin de Rives, Moulin du Gué, Hahnemühle, divers chine et japon).

Pour les gravures de grand format, j’utilise du zinc de toiture, assez souple et plus économique. Sa surface est brute, je dois donc la préparer, la polir avant toute intervention. Cette matière me donne des gris uniques, chauds, sensuels. J’utilise aussi le cuivre, plus exigeant, dans ce cas mordu au perchlorure. Le rendu est très différent mais je garde une préférence pour le zinc, moins précieux que le cuivre que je réserve pour les travaux
demandant plus de finesse dans le trait et de délicatesse dans les nuances.

La taille-douce et l’eau-forte.

Mes premières gravures à l’eau-forte ont été linéaires et plutôt abstraites. Très vite j’ai eu besoin de surfaces pour jouer avec les valeurs de gris dans la profondeur, je me suis alors tournée vers l’aquatinte.
Je combine souvent l’action de l’acide nitrique avec l’aquatinte, le travail en réserve avec les différents vernis. Ou encore je brosse, au pinceau d’encre de chine saturée de sucre, le dessin général qui sera ensuite mordu et retravaillé en de multiples étapes pour obtenir des nuances, des criblés, des matières aux granulations variées, selon le saupoudrage de la
résine d’aquatinte et sa fixation à la flamme du chalumeau. En effet, la plaque étant chauffée, le grain adhère au métal en constituant une sorte de trame plus ou moins fine ou grossière qui permettra à l’acide de se faufiler entre les grains. Le geste puissant ou d’une
grande délicatesse, l’accueil de l’accident, tout cela favorise l’exercice de la patience et l’énergie de l’impulsion.

L’aquatinte au sucre.

Je faisais, et fais toujours, au fil des promenades, des photographies d’arbres, ronces, graminées, plantes en bordure d’étang ou de Loire, c’est une imprégnation quotidienne. Ma gravure vit aussi au rythme de ces saisons végétales. Le geste épouse la poussée des ronces et des broussailles, et l’aquatinte en réserve traduit les infinies vibrations du clair-obscur à
travers les branches. Avec le sirop de sucre et d’encre de chine, je fais comme de la peinture en gravure. Sans employer « le métier classique » ni apprendre de nouvelles techniques plus fastidieuses comme par exemple la manière noire, je veille à graver en préservant, au coeur même des étapes de la gravure, ma liberté de peintre.
Dans la série dite « aquatintes négatives », réalisée en 1997-98, le dessin venait grainer l’aquatinte de réseaux blancs, et j’obtenais comme une radiographie de l’impression reçue en observant la nature. Puis en grattant l’aquatinte, je parvenais à faire sourdre des lumières dans l’obscur que je rehaussais de griffes à la pointe sèche. J’obtenais une profondeur dans l’estampe qui résonnait comme une image mentale du monde végétal.

Le vernis mou, la xylographie, la lithographie et d’autres encore.

J’aime aussi utiliser le vernis mou pour réaliser des empreintes de matières, surtout végétales. Ensuite je les retravaille pour ne pas en rester aux apparences et pour que ces empreintes se transforment en une sorte de seconde réalité, support de rêve ou de méditation. J’utilise aussi le vernis mou avec la technique du dessin sur papier appliqué qui donne un effet de crayonné au fusain, très doux et très spontané.
Pour la xylographie, j’emploie des bois courants avec une légère texture, que je creuse à la gouge, puis j’essaie de rehausser cette matière fibreuse en imprimant les plaques de bois comme des eaux fortes, en jouant sur l’essuyage, et non comme Munch par exemple, en encrant de noir les surfaces et en laissant les creux blancs. Je préfère inverser ce
processus.

Pour la lithographie, j’ai fait quelques ensembles dessinés au rayon lithographique sur pierre. J’ai appris les bases lors d’un stage à l’atelier de Jörge de Souza à Paris. Depuis j’ai fait l’acquisition d’une presse et de quelques pierres, mais la gravure en creux garde jusqu’à maintenant ma préférence. Toutefois, je reste admirative devant les extraordinaires
lithographies polychromes d’Estève et je pressens qu’il y a là une voie féconde de travail possible.
J’ai également beaucoup pratiqué les papiers de chine teintés ou peints pour les appliquer sous l’estampe lors du tirage, manière détournée de concilier peinture et gravure, technique à plat et en creux. Cela donne une force surprenante à l’estampe.
J’ai réalisé des gravures en pyrogravure sur plexi, des linogravures et plus rarement des clichés photopolymères. La photogravure m’attire et je pense qu’il doit être possible de réunir ma pratique de photographe avec celle du graveur, en particulier dans l’espace du livre.

La gravure au carborundum

Dans mes débuts en gravure, j’ai beaucoup testé la gravure au carborundum, (par exemple, l’ensemble intitulé « Bassin houiller », 1989) d’abord en jouant sur l’épaisseur des grains de silice puis en travaillant la matière des empâtements avec diverses résines synthétiques. Il m’est d’ailleurs arrivé de percer mes langes par trop de volume sur la plaque !
Mais en parvenant peu à peu à contrôler cet apport de relief en opposition aux dessins en creux, j’ai pu obtenir une sorte de 3ème dimension dans l’estampe qui lui donnait une force étonnante.

J’ai ainsi réalisé des gravures abstraites pour, par exemple, un livre avec Jean-Patrice Courtois « Noir proche » où cette technique correspondait parfaitement à la force structurée et tranchante de ses poèmes. C’est pourquoi le choix technique est une sorte de caisse de résonance, de révélateur de l’impact du poème. Cette technique m’a incitée à travailler l’encrage et l’essuyage des creux et des reliefs en faisant vibrer le relief des noirs contre le gris des ombres reportées sur la lumière du papier.

Le monotype

Cette autre technique directe, le monotype, m’est apparue comme une sorte de moyen intermédiaire entre l’estampe et la peinture, alliant la rapidité du geste et la sensualité des noirs (ou des couleurs) à l’empreinte. L’impression y est délicate et unique, puisqu’on ne peut refaire le même dessin sinon en se basant sur le voile d’encre qui subsiste
sur la plaque après le 1er tirage. Avec l’encre directement appliquée sur la plaque, j’essaie de peindre en dégageant au chiffon ou à la brosse des nuances, en effaçant ou en traçant des lignes en réserve. Ensuite je pose une feuille de papier légèrement humidifié, puis la passe sous la presse taille douce afin d’obtenir un transfert régulier du dessin-peinture sur la feuille. Toutes ces techniques de transfert réinventent la spontanéité du geste tracé à l’envers.
J’ai travaillé en 2000 un ensemble de monotypes sur le corps féminin, accompagné d’un texte de Jean Pierre Vidal, puis fait des monotypes de végétaux, paysages pour des livres d’autres éditeurs… Le fait qu’il y ait transfert direct du dessin de la plaque à la feuille avec des marges d’erreurs dues à l’emploi de la térébenthine ou divers outils induit une possible défiguration qui démonte tout effet de maîtrise en laissant agir le potentiel allusif des formes ainsi transférées. J’aime cette imperfection qui, guidée par l’expérience, permet à l’imprévu de se manifester et d’être accueilli ou effacé en un seul coup de chiffon selon le
résultat.

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