Quel livre d’artiste ?

LA QUESTION DU LIVRE D’ARTISTE

Livre d’artiste ? Livre illustré ? Livre de « résonance » ? (Pierre Dhainaut), Livre de « Consonance » ? (Thierry Bouchard, typographe, 1954-2008)

De quel livre est-il véritablement question dans mon travail d’artiste-éditeur ?

Cette interrogation vise non seulement sa ou ses dénominations mais principalement l’orientation générale de mes livres, le sens de ce que j’y cherche et y trouve. Je voudrai tenter d’apporter ici quelques réponses les plus justes possible.

Je réalise des livres d’artiste depuis 20 ans exactement et ma pratique, au fond, n’a guère changé. Si mon expérience a pu m’aider à progresser d’un point de vue technique, (papiers, typographie, techniques diverses d’impression, architecture du livre, mise en page, format…), elle reste, malgré cela, tâtonnante comme au premier jour.

La plupart du temps, le poème est premier, il est l’élément initial et moteur, celui qui appelle le travail du peintre ou du graveur pour qu’ensemble, poème et estampes se répondent.

Tous les poèmes n’ont pas cette nécessité. Beaucoup de poèmes se satisfont de vivre dans l’édition d’un tirage courant. Le livre d’artiste dans ce cas, ne répond pas à une nécessité mais plutôt à un plaisir ou à l’occasion d’une sorte de plus-value, de faire-valoir. Il est du côté de l’aventure du livre de création, et moins au service du poème lui-même.

Mais, comme le rappelle si justement Jean Pierre Vidal, il y a des poèmes qui sont seuls, (sans être en exil), ils ont leur pleine nécessité en eux-mêmes et ne sont pas faits pour regagner un ensemble. A ceux-là le livre d’artiste peut apporter l’occasion d’une toute autre présence au monde, en les amplifiant, voire les valorisant, par leur dialogue avec « le visuel ». Chaque moment du poème voit ses forces décuplées dans un tel lieu, ou même parfois y puise un sens différent, prenant corps et racine dans l’œuvre devenue en quelque sorte sa complémentaire, voire lui devenant indispensable.

C’est ce déploiement du poème, cette alchimie particulière de la rencontre entre peinture (ou gravure) et poésie, qui donnent au livre d’artiste ses lettres de noblesse et le justifient aux yeux du monde. La justesse de cette rencontre est rare mais le plus souvent, elle provient d’une correspondance profonde, d’abord humaine, entre l’artiste et le poète.

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